"Notre société est l'expression de la maîtrise du "compliqué", il est temps d'oser des modes de penser, faire et agir adaptés à la "complexité" pour inventer - dans les limites planétaires - de nouvelles réponses à nos besoins."

 

 Caroline GERVAIS

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Nuit de Idées en Arménie : interview de Caroline Gervais

08/02/2023

Nuit de Idées en Arménie : interview de Caroline Gervais

À l’heure actuelle, on parle beaucoup du développement durable. Comme nous lisons dans la définition officielle, c’est « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Qu’en pensez-vous ?

Je trouve que c’est une excellente définition. Elle synthétise en une phrase l’enjeu de solidarité intergénérationnelle, c’est-à-dire entre les générations d’hier, d’aujourd’hui et de demain, et intragénérationnelle, c’est-à-dire tout le vivant sur cette planète. Moi je n’ai rien à ajouter là-dessus. Après la difficulté c’est comment opérationnaliser ça ? C’est une très belle définition mais elle ne donne pas des repères concrets.

Quelles sont les causes de l'émergence du concept d’après vous ?

J’étais très petite à l’époque mais il y a un livre (« Perdre la Terre » de Nathaniel Rich) qui est sorti il y a deux ans et qui retrace l’histoire de la période 1979-1989. C’est justement à cette époque qu’on a commencé à parler du changement climatique, aux Etats-Unis. Ce n’est qu’en 1989 que l’on a pratiquement réussi à signer un accord international contraignant sur les émissions de gaz à effet de serre, et puis la couche d’ozone, la première révolution industrielle, etc. Je n’ai pas de regard historique dessus mais je pense que tous ces éléments-là ont incité les gens à se poser des questions. Effectivement, on avait déjà accumulé pas mal d’informations qui disaient que ça ne va pas et on a commencé à prendre conscience des impacts de l’utilisation intensive des ressources. Alors, les gens ont décidé de s’inscrire dans une logique qui pense également aux générations d’après.

Et comment vous avez commencé à vous intéresser au développement durable ?

Au départ, je suis géologue et après j’ai fait une thèse en gestion et traitement des déchets industriels. J’ai même fait un post-doctorat en Angleterre sur le même sujet. À un moment donné, je me suis dit que je ne vais pas faire une recherche sur les déchets pendant cinquante ans. J’étais dans la même université que Tim Jackson[1] qui a écrit un rapport qui s’appelle Prospérité sans croissance. Et il était en train d’ouvrir dans la même université où j’étais une chair de développement durable. Et c’est comme ça que j’ai bifurqué vers ce domaine. C’était en 2001 et après j’ai rejoint une ONG anglaise qui s’appelle Forum for the futur et ça m’a permis après de découvrir la démarche avec laquelle je travaille encore aujourd’hui, qui vient de Suède et qui s’appelle The Framework for Strategic Sustainable Development. Moi j’utilise toujours cette démarche et ce que j’ai fait à la Nuit des idées c’était dire qu’elle existe. Ça fait 30 ans qu’elle existe, il y a pleine d’organisations qui l’utilisent (entreprises, municipalités) mais elle n’est pas encore assez connue en fait. Ce qui est intéressant avec cette démarche, la raison pour laquelle elle a été développée c’est qu’il faut qu’on ait un langage pour parler de ce truc du développement durable. Son intention est de définir un cadre qui nous permet d’avoir un langage commun et après, définit le terrain de jeu dans lequel il peut y avoir la durabilité ; au-delà c’est hors-jeu !

 

Concernant cette notion de durabilité, à votre avis, pourquoi est-il essentiel que le développement soit durable et que se passe-t-il si la croissance ou le développement ne se fait pas de manière durable ?

C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui discutent autour du terme de « durable » en disant que le terme a été mal traduit parce qu’en anglais ça se dit sustainable. On peut polémiquer sur les mots mais en fin de compte c’est un développement qui dure, on ne parle pas d’un développement qui doit devenir plus gros, plus grand. Aujourd’hui pour moi le développement durable c’est un vrai projet de société car il permet aux générations futures de vivre.

 

Quels sont les plus gros problèmes auxquels notre planète est confrontée et qui vont empêcher les générations à venir de vivre dans un monde sain ?

Alors la planète est confrontée à zéro problème, c’est nous les humains qui avons un problème. La Terre souffre en ce moment parce que tout est chamboulé. L’enjeu majeur auquel on est confronté aujourd’hui c’est le dérèglement climatique : on a les méga incendies, les méga ouragans ; tout devient méga. C’est la puissance des réactions qui se passent. Un autre enjeu majeur duquel on parle de plus en plus, c’est la perte de biodiversité. Et après il y a tous les classiques, c’est-à-dire pollution due aux engrais, aux pesticides, tous ces produits chimiques qu’on a mis dans la nature et qui finissent par être soit dans la nature et générer les impacts, soit dans nos corps. Le plus important, c’est de se dire c’est quoi la source de ces impacts ? C’est quoi les choses qu’on fait de travers dans nos modes de développement qui fait qu’on génère plein d’impacts ? C’est vraiment de travailler à la source des impacts qui va être important.

 

La vitesse à laquelle nous consommons les ressources et générons les déchets augmente. C’est l’une des sources de ces impacts. Quels sont les moyens les plus efficaces pour sortir de ce mode de vie consumériste ?

C’est un peu coincé dans un mode de vie en fait. Pendant la Nuit des idées je parlais des gens qui font du zéro déchet, qui se remettent à se cultiver différemment et ils retrouvent du bonheur. On peut tout réinventer pour être à nouveau les conquérants. C’est possible et ça fait du bien à soi, ça fait du bien à la planète, ça fait du bien à son porte-monnaie, ça fait du bien au sens qu’on donne sens à sa vie.

 

Que pensez-vous de certains mouvements écologistes radicaux qui deviennent de plus en plus nombreux ?

Tant qu’il n’y a pas de violence ; pour moi c’est la limite. Ce que moi je comprends de tous ces mouvements activistes non-violents, c’est qu’en fait ce qu’ils cherchent, c’est avoir une conversation. Même moi je peux me dire mais tant pis, il y a ceux qui ne comprennent pas mais moi je vais m’installer dans un petit coin dans la campagne et je vais cultiver des légumes. Je ne peux même pas décider de faire ça parce que si je fais ça dans mon petit coin, de toute façon si tout le monde continue à faire pareil à côté, moi je ne vais pas pouvoir cultiver mes légumes parce qu’à un moment donné il n’y aura plus d’eau, il n’y aura plus de graines, etc. On est tous dans le même bateau. Et je pense qu’il y a plein de gens qui réalisent ça et donc on est obligé de discuter avec tout le monde. Et le défi majeur c’est de réussir à faire ce dialogue, à être vraiment curieux, à comprendre la représentation de l’autre.

 

Vous travaillez sur les questions environnementales depuis 19 ans déjà. Quels sont les principaux changements que vous avez vus dans le domaine du développement durable pendant ce temps ?

C’est vrai que depuis les derniers cinq ans les informations et les défis deviennent de plus en plus alertants. Les gens commencent à comprendre que ce n’est pas une blague le changement climatique. Aujourd’hui dans mon métier, je me trouve confrontée à des publics qui parfois savent qu’il y a le changement climatique mais ils ne l’ont pas senti sur leurs propres peaux. Les gens commencent à comprendre que ce n’est pas juste un chiffre, dehors, ailleurs. C’est là et c’est aujourd’hui. Du coup, il y a une espèce de choc émotionnel. Et maintenant il faut prendre soin des gens en cette dimension-là. Je pense que c’est bien parce que là on s’est déconnecté du vivant. Lorsqu’on ressent ces émotions, quelque part on se reconnecte au vivant. On se rend compte qu’on n’est pas un truc à part. Ça c’est peut-être le plus grand changement. 

 

Et pour terminer, trois enjeux pour notre meilleur avenir à tous[2].

Pour moi l’enjeu des enjeux ça va être de réussir à dialoguer. Quelquefois ce n’est pas facile mais chacun fait le maximum de son effort pour dialoguer. Et dialoguer ne veut pas dire tenter de convaincre l’autre, c’est être vraiment curieux de sa représentation, c’est offrir des questions mais de vraies questions, et non pas des questions qui veulent critiquer.

Pour dialoguer d’une manière constructive on a un enjeu de langage commun. Je reviens sur mon référentiel dont je parlais. Pour moi il y a un vrai enjeu d’éducation avec ce type de langage. Il faut vraiment pouvoir décortiquer les choses. Hier j’étais à l’École française, je discutais avec les jeunes étudiants et j’ai appris qu’en Arménie les enfants apprennent à jouer aux échecs à l’école. Et la démarche dont je parle est basée sur la logique du jeu d’échecs. Pour faire échec au roi, vous avez certainement des principes à respecter. Et après, chaque joueur va jouer en fonction de qui il est, des possibilités et du contexte. Ce langage impose les conditions nécessaires à des sociétés durables. C’est quoi les conditions pour faire échec à la non-durabilité de notre société. Une fois vous avez cette compréhension-là, vous pouvez jouer comme vous voulez, il y a beaucoup de liberté.

Et mon troisième point, c’est que maintenant on parle beaucoup de vouloir renoncer à des besoins. Il y a trop un discours qui ne nous rapetisse pas la vie autour du développement durable. Il faut vraiment enrichir le discours sur l’invention et non pas la renonciation. Inventer de nouveaux chemins, être les pionniers, éclairer de nouvelles façons de faire et pas rester dans la trajectoire que nos ancêtres ont posée. 

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09/01/2023

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L'Analyse de Cycle de Vie Stratégique

02/11/2022

L'Analyse de Cycle de Vie Stratégique

Une éco-conception pour améliorer la durabilité de ses produits
et la pérennité du modèle économique de son entreprise

 

Pourquoi ? Des achats jusqu’à la commercialisation, quelle est la durabilité de mes produits, de mes services ? Quelle est leur viabilité dans le temps face à l’augmentation des contraintes économiques, environnementales et sociales ? Comment faire face aux exigences réglementaires croissantes comme la Responsabilité élargie des Producteurs (REP) qui oblige à prendre en charge la fin de vie des produits ? Quels vont en être les impacts sur la rentabilité de mon entreprise ?

 

Quoi ? Depuis 15 ans, l’Analyse de Cycle de Vie Stratégique (ACV-Stratégique) répond avec rigueur à ces questions essentielles et contribue à la pérennité économique des entreprises. L’ACV-Stratégique évalue et analyse qualitativement les enjeux des produits et des services tout au long de leur cycle de vie. Les résultats alimentent l’écoconception. Il s’agit d’exclure les aspects non-durables et de trouver les possibilités d’améliorations et d’innovations, depuis la conception jusqu’à la fin de vie des produits et des services.

 

L’ACV-Stratégique s’appuie sur une analyse par les mécanismes-sources des impacts environnementaux et sociaux : Dans quelle mesure, le cycle de vie de mes produits ou de mes services respecte-t-il les 8 conditions de durabilité identifiées dès 1989 par consensus scientifique en Suède ? 


Ces conditions nécessaires à des sociétés durables sont un des éléments du FSSD (Framework for Strategic Sustainable Development ou Développement Durable Stratégique) qui plus de 30 ans, structure la transformation opérationnelle d’entreprises, de filières en Suède, au Canada, aux USA, en France.

 

Comment ? En pratique, l’ACV-Stratégique commence par l’analyse d’un produit, d’une gamme de produits ou d’un service tout au long de son cycle de vie : 


- Dans chaque case, une série de questions est posée (3 à 7 par case).


- En fonction des réponses, les résultats sont matérialisés par des couleurs. 


- Ces couleurs révèlent de façon simple les enjeux clés de durabilité dans le cycle de vie du produit. 


- Les questions posées dans chaque case orientent la recherche, le développement et l’innovation dans l’entreprise.

 

Il s’agit ensuite d’imaginer les solutions, les hiérarchiser, les prioriser et les mettre en œuvre.

 

Ainsi, l’ACV-Stratégique est un outil pour :

 
- Évaluer sa situation actuelle de façon accessible, systématique, rapide et rigoureuse


- Identifier les leviers de progression et d’engager le changement vers des solutions
concrètes

 

- Impliquer les différents métiers dans un processus participatif et transformant

 

- Encourager un changement dans la manière de penser en permettant aux équipes d’appréhender concrètement les enjeux de la pleine durabilité

 

- Avoir une visibilité sur les enjeux de demain

Les besoins humains fondamentaux - Manfred MAX-NEEF

02/11/2022

Les besoins humains fondamentaux - Manfred MAX-NEEF

Un spectre nuancé 


Manfred MAX-NEEF, économiste chilien et prix Nobel alternatif, identifie neuf besoins fondamentaux : subsistance, protection, affection, compréhension, participation, loisir (« Avoir du temps à soi » / relation au temps), créativité, identité, liberté.


Mis à part le besoin de subsistance qui, à l’extrême de son insatisfaction, conditionne l’existence même du sujet, les autres besoins ne sont pas en relation hiérarchique les uns envers les autres et tous se trouvent, selon Max-Neef, en interaction systémique : 


« Cela signifie, d’une part, qu’aucun besoin n’est intrinsèquement plus important qu’un autre et, d’autre part, qu’il n’existe aucun ordre imposé d’apparition des besoins. Les besoins humains se caractérisent par la simultanéité et la complémentarité ainsi que par les transactions qui peuvent se faire au sein du système qu’ils forment »


Selon Max-Neef, les neuf besoins sont fondamentaux et communs à tous les êtres humains. A l’inverse, les facteurs de satisfaction des besoins varient dans le temps et selon les cultures, on en verra privilégier certains au détriment des autres selon les lieux et les époques. Chaque système économique, social et politique adopte différentes méthodes de satisfaction des besoins humains fondamentaux. 


Processus de satisfaction des besoins


Dans le processus de satisfaction des besoins, Manfred Max-Neef distingue aussi ce qu’il appelle quatre « catégories existentielles » : l’être, l’avoir, le faire et « l’interagir ». 


Il propose une matrice croisant les neuf besoins fondamentaux et les catégories existentielles, afin de déterminer des réponses pour satisfaire ces besoins (voir tableau ci-après). 

 

Cette grille est un cadre de réflexion qui offre la possibilité d’identifier des besoins spécifiques. La matrice de Max Neef doit être utilisée comme un cadre qui accompagne la réflexion mais n’en détermine pas à l’avance le contenu.

 

Qualité des réponses aux besoins
La réponse aux besoins n’est pas un processus binaire au terme duquel un besoin est simplement satisfait ou non satisfait. Doivent être examinés l’adéquation de la réponse et ses effets secondaires sur le système tout entier.

 

Une réponse peut contribuer simultanément à satisfaire plusieurs besoins et inversement un besoin peut générer plusieurs réponses possibles. Chaque besoin est satisfait à des niveaux différents, des intensités différentes et selon trois contextes relatifs à l’individu lui-même, le groupe social et l’environnement.


Max-Neef distingue ainsi cinq qualités de réponse aux besoins humains fondamentaux :


1. La « réponse destructive » est paradoxale. En même temps qu’elle satisfait un besoin donné, elle annihile la satisfaction adéquate d’autres besoins (course aux armements, censure, bureaucratie…)


2. La « pseudo-réponse » qui annule, à plus ou moins long terme, la possibilité de satisfaire les besoins qui initialement devaient être satisfaits à court terme (exploitation forcenée des ressources naturelles, modes, publicité, propagande,…)


3. La « réponse inhibitrice » qui satisfait un besoin en inhibant d’autres besoins (habitudes et rituels, permissions illimitées, ultra-libéralisme, surprotection familiale, paternalisme…)


4. La « réponse singulière » ne satisfait qu’un seul besoin et est neutre vis-à-vis des autres besoins (programmes alimentaires classiques, médecine curative, spectacles de sports, nationalité..)


5. La « réponse synergique », quant à elle, intervient simultanément sur plusieurs éléments du système (production autogérée, éducation populaire, médecine préventive, jeux éducatifs, organisation communautaire démocratique, démocratie participative…).


Selon Max-Neef, les quatre premières catégories de réponses sont usuellement imposées, ritualisées ou institutionnalisées : du fait de leur caractère exogène, les réponses ne venant pas directement des acteurs concernés peuvent être des réponses qui ne satisfont pas suffisamment les besoins des acteurs concernés (et en particulier les besoins locaux). 


La réponse synergique est plus endogène car elle porte elle-même l’idée d’associer les acteurs concernés.


Qu’elle soit endogène ou exogène, la réponse doit être la plus synergique possible. Pour déterminer si une réponse est synergique, il est possible d’utiliser les 8 conditions nécessaires à des sociétés durables telles que définies dans la démarche de développement durable stratégique, FSSD, développée en Suède dès 1989.

 

« Le développement durable
 est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »
 
Rapport Brundtland : « Notre avenir à tous », 1987, ONU (Commission mondiale sur l’environnement et le développement), présidée par Gro Harlem Brundtland